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Tanibis
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James et Hilda Bloggs coulent une retraite paisible dans leur jolie petite maison au milieu de la campagne anglaise. Ils sont tendres et n'ont l'un pour l'autre que des sourires et des mots doux. Leur quotidien s'écoule à un rythme tranquille, bien loin des soucis du vaste monde et des sourdes menaces de la guerre froide.
Mais un jour, leur poste de radio relaie des informations alarmantes : tensions ravivées, frappes imminentes... « Préparez-vous, la Bombe arrive !! », les prévient le gouvernement. Heureusement, James a rapporté de la bibliothèque un guide officiel de survie à une attaque atomique. Pas de panique donc, il suffit de suivre ses instructions le temps que l'alerte soit levée et tout rentrera dans l'ordre. À moins que ?...
Raymond Briggs, auteur britannique jusque-là connu pour ses albums jeunesse, fait paraître en 1982 cette évocation de l'apocalypse nucléaire mêlant tragédie et comédie. Charge féroce contre des États prêts à mettre en jeu la vie de toute une population pour gagner une confrontation internationale, Quand souffle le vent est toujours terriblement d'actualité. C'est également un récit intimiste d'une grande force émotionnelle. S'inspirant de ses propres parents, Briggs campe non sans une certaine causticité un couple de personnages aussi attachants que naïfs, mais toujours animés d'une force de vie qui les pousse à croire au meilleur, jusqu'à l'aveuglement. -
June est une jeune femme hypersensible qui déborde d'amour pour la nature et les animaux. Elle travaille dans un cabinet vétérinaire d'une métropole nord-américaine où elle vit avec Brad. Mais une opportunité professionnelle pour ce dernier les oblige à déménager dans une belle maison moderne au coeur d'un lotissement anonyme.
Pendant que Brad se consacre corps et âme à son nouveau travail, June se sent désoeuvrée et peine à se projeter dans ce nouvel environnement. Un jour, elle recueille une étrange créature mal en point et l'installe dans leur sous-sol. Une relation mystérieuse naît entre elle et cet être qu'elle baptise « Lenny ». Ce dernier se révèle drôle et attachant, mais peut-être pas tout à fait inoffensif...
Ouvrant la voie à de multiples interprétations, Oh, Lenny ne cesse de surprendre tout au long de son intrigue monstrueuse. D'abord huis-clos domestique retraçant l'évolution d'un ménage à trois grotesque, le récit mute petit à petit en drame horrifique qui joue de la fascination que peut exercer la nature sauvage, tour à tour belle et toxique. En plus de 300 pages dessinées dans un élégant style ligne claire, l'auteur du Dernier cosmonaute nous embarque pour un voyage aux confins de la folie, dressant au final un portrait de femme complexe et nuancé. -
Sur les routes sinueuses qui mènent à Syracuse, une voiture rouge fend l'air lugubre. Le conducteur, Matteo, mycologue de profession, se rend dans la ville de son enfance pour y donner une importante conférence. Mais entre la rencontre avec un auto-stoppeur inquiétant et une sortie de route inopinée, rien ne se passe normalement.
Enfin arrivé à destination, Matteo redécouvre une ville de Syracuse métamorphosée. À la recherche de repères, il erre dans la cité devenue labyrinthe de décombres et de souvenirs, et croise de vieilles connaissances : Carlo, Tancrède, Valentina... autant d'anciennes relations qu'il croyait disparues se débattent dans un monde corrompu par la Piovra Nera, organisation tentaculaire qui a la main mise sur la ville. En tant qu'ancien membre de cette pègre, Mattéo se retrouve se confronté à ses démons. Guidé par le speaker d'une mystérieuse radio pirate, il se lance dans une fuite éperdue. Rencontrée sur son chemin, la botaniste Grazia semble se détacher de ce monde de fantômes où le temps et l'espace obéissent à d'étranges règles...
Pour leur première collaboration, les deux auteurs proposent un récit de mafia teinté d'absurde et de fantastique dans lequel la gravité des thèmes abordés sont contrebalancés par la douceur du dessin de Duffour et l'onirisme du scénario d'Alexandre Kha. -
Maine, années 1980. Une galerie de personnages hauts en couleur habite autour d'une baie calme et préservée. M. Jones, magnat du pétrole qui projette d'y implanter une raffinerie, est assassiné par un avion télécommandé lors d'une partie de pêche. Qui a tué Jones ? M. Kane, le paysan du cru qui voit les nouveaux arrivants d'un mauvais oeil ? Valérie, l'ancienne fille de joie reconvertie dans le jardinage, mais également un peu sorcière ? Joe McLoon, le desperado retranché, entouré de motos, d'armes et de maîtresses ? Ou encore Steve Goodrich, l'acteur hollywoodien à la retraite pour qui le monde est un plateau de tournage ? Les suspects ne manquent pas et chacun a son mobile. Soumis au regard scrutateur et aux pouvoirs psychiques de l'inspecteur Jim Brady, chacun à son tour va révéler les secrets de son inconscient, permettant au lecteur d'assembler les différents morceaux de l'intrigue.
Fruit d'une collaboration entre Paul Kirchner et l'auteur de polars néerlandais Janwillem Van de Wetering, Meurtre télécommandé est initialement publié aux États-Unis en 1986 et reste à ce jour le seul récit long du créateur du bus et de Dope Rider. Le scénario, écrit sur mesure, dissèque l'âme américaine et met au jour ses tiraillements et ses contradictions. Il permet aussi à Paul Kirchner de donner corps aux visions de Jim Brady via des séquences hallucinatoires déclinées dans de spectaculaires splash pages. Elles nimbent l'enquête d'une atmosphère mystérieuse qui n'est pas sans évoquer la série télévisée Twin Peaks, sortie quelques années plus tard. -
Habitant d'une ville fantôme des États-Unis, Larry, la trentaine, survole la banalité du quotidien : entre un patron alcoolique, un père disparu, une chambre chez sa mère, il se laisse porter par ses rêves d'enfant, accroché à ses fantasmes de voyages stellaires et à la compagnie de Teddy, ours en peluche sentencieux. Dans la même ville Alice, jeune femme solitaire, sent que sa vie tourne en rond. Pour tuer l'ennui, elle joue tous les jours de l'orgue dans une église... vide. Mais tout comme Larry, elle a ses rêves : fonder une famille, avoir un enfant.
Tandis qu'un astre mystérieux se rapproche du système solaire, un soir passé dans une laverie automatique à contempler tournoyer chaussettes et culottes réunit Alice et Larry : les premiers pas de leur histoire chamboulent la monotonie insouciante de Larry. Tourmenté par la peur de l'inconnu, il vit la nuit qu'ils passent ensemble comme une épopée cosmique, Aurélien Maury constituant un univers symbolique où trous noirs, vaisseaux et failles temporelles guident ce cosmonaute allégorique vers sa propre destinée. -
Paolo Pinocchio est un maudit pantin qui défie les lois de l'Homme et de l'Enfer. Il promène son cynisme du royaume des morts à celui des vivants, traversant les époques et les imaginaires mythiques.
De l'enfer dantesque à la Venise de Casanova, en passant par l'univers des contes de fées, chacune de ses aventures est l'occasion de montrer un monde grouillant de débauche où il n'est de salut pour personne. Les péripéties de Paolo Pinocchio mêlent allègrement les représentations traditionnelles du vice et de la vertu à la satire de l'époque contemporaine.
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Premier album de l'autrice canadienne gg après plusieurs récits courts, Je ne suis pas là délivre une réflexion subtile sur l'impermanence des choses, la mémoire et l'aliénation. Une jeune femme, immigrée de seconde génération, s'occupe tant bien que mal de ses parents âgés. Seule face à ses responsabilités familiales, elle semble trouver un exutoire dans la pratique amateure de la photographie au cours de dérives urbaines.
Au cours d'une balade, elle photographie par hasard quelqu'un qui lui ressemble. Le récit bascule, l'héroïne se retrouvant confrontée à ce que sa vie pourrait être... Formellement, Je ne suis pas là fait à la fois preuve de sophistication et de sobriété. Avec son dessin semi-réaliste aux niveaux de gris profonds, un montage qui semble emprunter au cinéma de la nouvelle vague certains, gg parvient à créer une atmosphère trouble et mélancolique, à nulle autre pareille.
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Nicolas Marlin, surfeur professionnel, traverse une passe difficile. Sa participation au contest de San Telmo, un spot qu'il déteste, s'avère encore une fois un désastre. Les vagues sont traîtresses, la chaleur étouffante, d'étranges manoeuvres militaires ont lieu dans la baie - et pour couronner le tout, son grand-père, un personnage charismatique mais autoritaire, réapparaît après plusieurs années d'absence.
La survenue d'une vague extraordinaire sera l'occasion pour Nicolas de se plonger littéralement dans sa mémoire et ses angoisses les plus profondes. Jouant avec les codes du récit de surf et convoquant une esthétique rétro inspirée des jeux vidéos des années 1990, emg réalise une oeuvre surprenante, à la fois grave et légère, tenant autant du conte psychanalytique que de la série B. Comme avec son premier album tremblez enfance Z46, emg propose un récit d'aventure trépidant et hors-norme qui explore les possibilités du dessin électronique.
Il met ici au point une sorte de pointillisme 2. 0 pour dépeindre les éléments déchaînés qui submergeront Nicolas Marlin. Et vous, êtes-vous prêt à affronter la vague gelée ?
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La nature, surtout dans sa version forêt vierge, n'est pas un terrain de jeux lumineux et accueillant. C'est au premier abord, pour les héros citadins de Safari Lune de Miel et leur guide aguerri, un repaire grouillant de créatures hostiles et de plantes toxiques que les brochures touristiques oublient en général de mentionner : araignées cyclopes, mille-pattes géants, anémones de terre, singes télé-pathes et autres insectes intrusifs. Même les paysages traversés par notre couple d'amoureux et leur guide sont déroutants, avec leurs anomalies spatio-temporelles ou leur construction digne d'un géo-mètre maniaque fan de M.C. Escher. Les aventures qui attendent nos personnages, entre action bien virile et séquences hallucinatoires, sont prétextes à décrire, en une élégante trichromie verte, une nature fantasmagorique qui se révélera être bien plus qu'un simple décor. Face à cet environnement déroutant, chaque membre du trio d'explorateurs-touristes réagira à sa façon, évoluant vers une ac-ceptation mystique tendance New Age ou, au contraire, campant sur ses positions de citadin exigeant. Jardin d'enfant, Jardin d'Eden, ou monstrueux Jardin des Délices Boschien, chacun verra la nature avec des yeux nouveaux.
Ici comme dans .Et Tu connaîtras l'Univers et les Dieux, la précédente fable cosmogonique de Jesse Jacobs, l'univers n'est ni entièrement hostile ni entièrement bon. Tout est lutte entre des principes opposés : Ablavar et Zantek, le bien et le mal, le vénéneux et le comestible ou encore le parasite...
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En attendant l'apocalypse ; travaux choisis, 1974-2014
Paul Kirchner
- Tanibis
- 9 Novembre 2017
- 9782848410432
Après avoir remis le bus de Paul Kirchner en orbite avec deux volumes publiés en 2012 et 2015, Tanibis poursuit son exploration des mondes divergents de l'auteur américain à travers une anthologie rassemblant des récits courts et illustrations réalisés dans les années 70 et 80 pour divers magazines emblématiques de la contre-culture, ainsi que d'autres travaux plus récents, parfois inédits. On y croise Dope Rider, sac d'os défoncé poursuivant des quêtes improbables dans un univers psychédélique que l'on pourrait situer entre les westerns de Sergio Leone et les tableaux de Salvador Dalí. Alternant non sequiturs et logique floue, les aventures de Dope Rider, publiées en leur temps dans le magazine High Times, sont également pour l'auteur une façon de s'essayer à une forme singulière de poésie graphique. Dans une même veine subversive, l'ouvrage reprend également une sélection d'histoires où il est question d'invasion sextraterrestre, de voyages spirituels vers des mondes shamaniques, d'univers totalitaires inspirés de la société des abeilles ou encore, littéralement, de l'Apocalypse biblique. Enfin, En attendant l'Apocalypse rassemble une bonne partie des couvertures réalisées par Kirchner pour le magazine pornographique Screw. On y retrouve son trait précis et son goût pour l'humour et le surréalisme.
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Voici Jheronimus, pauvre hère condamné à subir tous les outrages en Enfer accompagné de Bosch, son stoïque canard en bois. Depuis leur trépas, ils endurent brimades et humiliations de la part de démons facétieux et leurs tentatives pour gagner le paradis se soldent toutes par de fumants échecs. Dans cette centaine de pages de gags muets, blasphématoires et scatologiques, Paul Kirchner s'inspire autant d'une certaine imagerie médiévale de l'au-delà, telle qu'illustrée dans les vers de Dante ou les triptyques de Jérôme Bosch, que de la mécanique absurde des cartoons de la Warner.
Il met en scène avec un malin plaisir le sadisme de diablotins malicieux auquel répond l'entêtement masochiste du pauvre Jheronimus. L'Enfer décrit par Kirchner obéit à des lois bizarres, source d'un humour absurde qui n'est pas sans rappeler celui de sa série Le bus. Mais si le passager du bus sortait le plus souvent indemne, quoique déboussolé de ses aventures, on ne peut pas en dire autant de nos infortunés anti-héros.
A la fois fosse septique pour les anges du paradis et terrain de jeux pour des démons en manque de torture, l'enfer dans lequel ils sont coincés est source de brimades aussi drôles que cruelles. Le boss en personne, Satan, fait que lques apparitions remarquées et dévoile une facette comique inédite. Il signe aussi la postface de l'ouvrage.
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Ville de Catalogne bâtie au coeur d'une zone volcanique, Olot est réputée pour être le seul endroit au monde, hors de l'Île de Pâques, où l'on peut trouver une statue moai. De ce point de départ, le narrateur met en exergue divers phénomènes troublants liés à la ville : meurtres en série, manifestations paranormales, comportements déviants ou encore observations d'OVNI. À en croire Dr Alderete, Olot est peuplée de pirates sanguinaires, de savants fous et autres amateurs de faits alternatifs. La mise en parallèle de leurs histoires dresse le portrait fragmenté d'une ville inquiétante, qui semble en proie à une malédiction. En alternance avec ces chapitres traités en couleurs, des passages en noir et blanc mettent en scène un mystérieux personnage anonyme, répétant un parcours quasi-rituel dans la ville et la zone marécageuse qui la borde. À l'instar des agents Scully et Mulder, Dr Alderete nous emmène aux frontières du réel avec ce récit à mi-chemin entre le documentaire et la fiction paranoïaque.
Sa ligne claire épaisse et ses compositions psychédéliques soulignent avec brio comment l'étrange peut pénétrer les interstices de la réalité...
Artiste prolifique, Dr Alderete est argentin et vit Mexique. Il a illustré de nombreux livres, dont plusieurs ouvrages sur l'Île de Pâques. Olot est sa première bande dessinée en tant qu'auteur complet. -
Que se passe-t-il quand la virtuosité du dessin de Lucas Varela se mêle à l'imagination prolifique de Diego Agrimbau ?
Fruit de la rencontre de ces deux Argentins dans le cadre d'une résidence à la Maison des Auteurs d'Angoulême, Diagnostics rassemble six histoires courtes qui revisitent la tradition du récit de genre en suivant un fil conducteur singulier : la représentation de troubles mentaux à travers l'exploration des codes du neuvième art. Les protagonistes féminines de ces histoires souffrent de dérèglements sensoriels qui se voient reflètent ainsi dans le détournement des mécanismes traditionnels de la bande dessinée. Ainsi, les pouvoirs synesthésiques d'une enquêtrice lui permettent de déchiffrer les onomatopées qui flottent dans l'espace de la case, les planches de bande dessinée se révèlent de véritables prisons enfermant une jeune femme souffrant de claustrophobie tandis qu'une étudiante en lettres, frappée d'aphasie, ne comprend le discours d'autrui que lorsqu'elle le voit écrit sur un support.
Alliant avec génie narration traditionnelle et expérimentation, le polar, la science-fiction et l'étrange constituent la toile de fond sur laquelle les auteurs jouent avec les contraintes narratives. Notamment inspirés par l'étrangeté des scénarios de la série The Twilight Zone ou de la revue Eerie - Lucas Varela et Diego Agrimbau utilisent la bande dessinée comme un laboratoire, faisant leurs cobayes de ces héroïnes au bord de la folie. -
Un après-midi d'été dans une station balnéaire. Un vendeur de glaces vient de subir une attaque à l'acide par un trio d'adolescents. Deux des suspects, dont l'un est gravement blessé, sont appréhendés dans une piscine vide. Le troisième, Julien, a disparu. Qui a fait quoi ? Et, au-delà de la question de la culpabilité, qui est responsable ? Dans cet avenir hypothétique où l'hôpital et la police ont fusionné, l'inspectrice-oncologue Lili Stuf et son assistante font passer aux jeunes suspects une batterie d'examens médicaux et de tests psychologiques afin de tenter de reconstituer le fil des événements.
L'enquête n'est pas facilitée par la ressemblance troublante entre les deux adolescents - un garçon et une fille aux caractères bien différents mais à l'apparence strictement identique. Pendant ce temps, Julien reste introuvable. A moins que ? ... Tout comme le lecteur, les enquêteurs seront d'abord déboussolés. Mais les uns et les autres possèdent tous les éléments pour établir une vérité... Avec son style elliptique et tridimensionnel si caractéristique EMG, propose une histoire à facettes d'une intrigante beauté, tenant autant du thriller hitchockien que de la réflexion sur la justice. -
Lire .Et tu connaîtras l'Univers et les Dieux vous apportera les réponses à des questions aussi primordiales que : Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Qui a tué les dinosaures ? Quelle est la place de l'homme dans le règne animal ? Ou encore : Pourquoi ne faut-il pas mettre les doigts dans son nez ?
.Et tu connaîtras l'Univers et les Dieux met en scène trois divinités chamailleuses qui s'amusent à créer des mondes sous le regard bienveillant de leur maître. L'un d'eux, Ablavar, crée la Terre et la peuple de curiosités esthétiques carbonées qu'il nomme « ani-maux ». Zantek, lui, préfère faire mumuse avec de froides structures silicées et se pose en rival. Il entreprend alors de détruire l'expérience d'Ablavar de l'intérieur en créant. l'hu-main.
De l'évolution atomique aux balbutiements tragiques de l'humanité, en passant par quelques bastons cosmico-bibliques dignes d'un Jack Kirby, Jesse Jacobs brosse une fable cosmogonique subtile, à la fois follement ambitieuse et pleine de dérision.
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Six ans après son dernier opus War Songs, Ivan Brun revient à la bande dessinée avec un récit ambitieux mêlant critique sociale, polar et fantastique. Michel, jeune fonctionnaire borderline croise à Lyon Domingues, ancien mercenaire au Mozambique reconverti dans le proxénétisme. Quelques heures plus tard, le trafiquant se défenestre d'une tour du quartier de la Part-Dieu, entraînant Michel dans une dérive hypnotique. Shooté en permanence à un cocktail d'antidépresseurs et de Côte du Rhône, celui-ci se retrouve, comme sous l'effet d'un sortilège, aspiré dans la vie passée de Domingues. Meurtres, trafic d'armes, réseau de prostitution, pillages et guerres civiles se révèlent à sa conscience implosée. On suit une sédimentation du récit alternant scènes africaines et errances lyonnaises. Le cortège d'atrocités que connaît l'Afrique postcoloniale est mis en regard avec la violence symbolique de la société occidentale, qu'elle instaure par le biais de l'urbanisme, du monde du travail ou encore de la psychiatrie. Submergé par ses démons, l'individu se désocialise complètement. Sa descente aux enfers est d'autant plus terrible qu'elle n'est pavée que de faits documentés. D'un trait vif et charbonneux, Ivan Brun exprime toute la précision réaliste et politique de son travail à travers cette adaptation d'un roman de Tristan Perreton initialement publié en 2005.
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Chronique émotionnelle de l'écroulement d'un monde, Sous les bombes sans la guerre évoque les derniers moments de la vie d'un homme, accompagné de son fils. Ce dernier est représenté sous les traits de Pif le chien, personnage créé en 1948 par José Cabrero Arnal pour le quotidien L'Humanité. Le père a l'apparence de Top, précurseur de Pif, né en 1935. Submergés par un déluge de larmes, de sang et de bombes métastasiques, nos deux animaux aux traits ronds se retrouvent confrontés à l'abîme d'une aventure inéluctable. L'écoulement du temps se fait erratique, le lecteur est embarqué dans des allers retours incessants entre le présent à l'hôpital et les réminiscences altérées d'un passé enfoui à jamais, mettant par exemple en scène Top chevauchant sa fameuse fusée, attaqué par des moustiques géants ou encore prisonnier d'un camp d'internement pendant la guerre d'Espagne. Cet univers instable se déploie dans un livre au format ample où se croisent tableaux inspirés de la peinture chrétienne et planches de BD classique, communisme et religion, souvenirs du père et du fils.
Réalisé en tirage limité du fait de son façonnage artisanal, Sous les bombes sans la guerre est un objet bâtard mettant en regard expérience intime et culture populaire.
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Réalisé sur une période de sept ans, Flood ! relate en trois actes les derniers jours d'une Cité en pleine dépression.
Home, le premier récit, voit un ouvrier perdre son emploi. C'est le début d'une vertigineuse descente aux enfers.
Dans L, notre homme, laissé plus bas que terre, s'enfonce sous la cité. Au cours de cette plongée aux résonances jungiennes dans les profondeurs du métro, il voyagera à travers la mémoire de la ville, ses crimes et ses mythes. Entre graffitis et cosmogonie des origines, le chaos de la métropole trouve une échappée : les exclus offrent la possibilité d'une communauté.
Dans Flood !, acte final donnant son titre au recueil, il refait surface dans une Cité en passe d'être inondée - lavée ? - par les flots. Nourri de son expérience ancestrale, il s'enferme et transmet, via une encre bleue - rupture dans le noir et blanc du livre - le devenir de la ville, la résistance des parias dans une envolée qui nous mènera de cette ébauche de New York qu'était Coney Island à l'arche de Noé.
Entièrement réalisé en carte à gratter, Flood ! est une vision expressionniste qui s'inscrit pleinement dans la filiation de Lynd Ward et Frans Masereel, auteurs dans la première moitié du XXe siècle de romans graphiques réalisés en gravure sur bois. Drooker souligne le lien entre la Grande Dépression des années trente et les années Reagan et Bush de la fin du siècle. Exprimée sans parole, la rencontre entre poésie, fantastique et critique sociale rend universel ce portrait de New York, cette autopsie d'une société bâtie sur la violence.
Notamment défendu par Art Spiegelman, Neil Gaiman et Allen Ginsberg, Flood ! connaît aux États-Unis un succès critique important lors de sa sortie en 1992 et reçoit un American Book Award.
New Yorkais de troisième génération, Eric Drooker est aussi l'auteur de Blood Song et Illuminated Poems, en collaboration avec Allen Ginsberg. Également peintre et illustrateur, il est connu pour ses couvertures du New Yorker. -
Trois ans après Les Monstres aux pieds d'argile, Les Nuits rouges du théâtre d'épouvante pose un nouveau jalon dans l'univers d'Alexandre Kha. Il retrace cette fois-ci l'histoire funeste de la troupe de comédiens d'un théâtre délaissé où, peu à peu, les cauchemars imaginaires de leur spectacle macabre prennent le pas sur la réalité.
Les cinq chapitres constituent autant d'histoires secondaires, tel un roman-feuilleton, et évo-quent les personnages étranges qui peuplent ces nuits rouges : un épouvantail misanthrope, persécuté par les corbeaux, un Casanova au visage vitriolé, un jeune étudiant décapité mais bavard, un loup-garou aguicheur et lunatique, de vrais et faux zombies, sans oublier Elena, jeune femme d'Europe de l'Est engagée dans ce théâtre pour sa faculté à exprimer la peur, sous le joug d'un metteur en scène tyrannique. Ici, le dérisoire côtoie le tragique. Le morbide se teinte d'érotisme. Les nuits sont rouges mais le sang plutôt noir.
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« Tu vois, je le regarde, je me dis qu'il va s'arrêter de briller, que la terre va geler, que nous allons tous mourir, et je m'en fous, parce qu'on a pas de patrimoine... »
Petit livre de dessins à l'humour acerbe, Pingouins brosse d'un trait vif le portrait d'une société de palmipèdes gentiment désespérés. La vacuité de la banquise est le théâtre d'inventions absurdes : du vélo à la religion en passant par l'art et les glaçons, ces oiseaux cloués au sol expérimentent joyeusement les bienfaits de la civilisation bipède. Leur recul critique est jubilatoire et étrangement subtil.
Initiée en 1996, puis publiée en deux courts volumes par treize étrange, cette série de cartoons marque les débuts de L.L. de Mars, point de départ de la trajectoire singulière d'un auteur qui n'a pas fini de nous étonner. Si la forme des Pingouins est éloignée de ses oeuvres récentes, bon nombre de ses thèmes de prédilection sont déjà là : mine de rien, à travers ses Pingouins, L.L. de Mars notamment questionne l'art, les croyances ou la mort.
Une série de planches en couleurs réalisées ultérieurement pour Spirou et L'Écho des savanes est réunie dans le fascicule Histoires naturelles, joint au livre.
Une préface signée Alexis Kauffmann (fondateur de Framasoft) explique comment les Pingouins sont devenus un symbole de l'internet libre. -
" Ils ont disparu, mais je peux témoigner de leur passage éclair parmi nous... "
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Roxane is a young Parisian whose Bohemian life seems stuck in an endless loop of idle afternoons and wine-soaked nights with her roommate. Strapped for cash and novelty, she starts selling her used underwear online. Dirty Panties chronicles her first steps in this marketplace, from the creation of her online persona to the real-life rendezvous with shady customers.
This new business soon impacts Roxane's daily life and the people around her. The world she has just stepped into might be much more bizarre than what she expected. Roxane's journey exploring her own appetite for transgression tackles such contemporary themes as sex work, consent and economic domination. How far will she go and where will this end?
Maybelline Skvortzoff's drawing is detailed and vivid and the story is in turn hilarious, awkward, touching and dark. Much like Phoebe Waller-Bridge's character in her TV series Fleabag, Roxane is at the same time completely clueless and determined to make it on her own in this world where everything can be bought and sold.
Roxane vend ses culottes -- the original edition of Dirty Panties -- won the 2023 Artemisia award for best humor comic and has been shortlisted for many awards including the official selection of the 2023 Angouleme Festival. -
Vous avez aimé Le dernier cosmonaute d'Aurélien Maury ? Alors EGG n'est peut-être pas pour vous...
Mis au placard par une société qu'il ne comprend plus, Zak Thunder, héros de l'espace au passé glorieux, ronge son frein à bord de son vaisseau quand un mystérieux signal en provenance d'une planète inconnue vient rompre la monotonie de sa retraite. Tel un Flash Gordon sous amphétamines, Zak fonce tête baissée dans l'aventure, bravant tous les dangers malgré les incessantes mises en garde de son robot personnel Nestor. Zak va se retrouver confronté au pire, l'écosystème de la planète malmenant sa virilité au plus haut point...
Si Aurélien Maury confirme son attrait pour la science-fiction et une ligne claire élégante, il prend avec un malin plaisir le contre-pied de son précédent opus en y injectant - sous l'influence de son compère Gilbert Pinos ? - une bonne giclée de testostérone.
Croisant de façon improbable la science-fiction métaphysique de Solaris et la brutalité de Frank Miller, EGG frise le bon goût sans jamais y tomber et apporte une touche résolument série Z au catalogue des éditions Tanibis. -
Un petit homme rend visite à sa mère, il attend un moment sur le palier avant qu'un être énorme et dégoulinant lui ouvre la porte.
« Mais vous n'êtes pas du tout ma mère !
- Si, c'est moi mon chéri. Viens, prenons le thé. »
Ils s'installent et le monstre maternel raconte les étapes de sa métamorphose depuis la mort de son époux. La douleur de la perte s'est répandue hors d'elle, l'a engluée peu à peu jusqu'à devenir cette masse liquéfiée qui réapprend à vivre.
Raconté l'air de rien à l'heure du thé, Qu'est-ce qui arrive ? propose une allégorie percutante de la résilience. Avec une image par page, des dialogues brefs et des couleurs réduites à des teintes ocres et sanguines, le récit utilise à merveille ces moyens élémentaires. Réalisé à la craie sèche de manière très dynamique, ce premier album signé Mehdi Melkhi présage de grands desseins.