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La Combinatoire straight : Métis, bâtards et autres enfants de putain
Jules Falquet
- Amsterdam
- 14 Février 2025
- 9782354803094
Des accusations de viol et proxénétisme contre DSK aux révélations des violences pédocriminelles quasi systémiques de l'Église catholique, en passant par le scandale de L'Arche de Zoé au Tchad, une multitude d'affaires, pourtant très différentes les unes des autres, n'a cessé de défrayer la chronique. Ces affaires ne sont en réalité que la pointe émergée d'un iceberg immense que Jules Falquet propose d'analyser ici à nouveau frais. Car c'est toute l'organisation socio-politique de la procréation, des alliances matrimoniales (qui épouse qui ?) à la filiation (à qui appartiendront les enfants ?), qui structure cet iceberg, et rend du même coup possible ces violences. Cet iceberg, Jules Falquet le nomme la combinatoire straight.
Repartant du débarquement de Christophe Colomb aux Amériques en 1492, cet essai raconte alors une tout autre histoire du capitalisme. Si le travail procréatif y est central, les « anti-alliances » que sont la prostitution, le viol, la pédocriminalité et l'inceste le sont tout autant. Elles sont la face obscure de la combinatoire straight sur laquelle repose le développement des sociétés occidentales. Et les destinées des enfants qu'elles produisent en masse n'en sont pas moins obscures. -
En 1978, Monique Wittig clôt sa conférence sur « La Pensée straight » par ces mots : « Les lesbiennes ne sont pas des femmes. » L'onde de choc provoquée par cet énoncé n'en finit pas de se faire ressentir, aujourd'hui encore, dans la théorie féministe et au-delà. En analysant l'aspect fondateur de la « naturalité » supposée de l'hétérosexualité au sein de nos structures de pensées, que ce soit par exemple dans l'anthropologie structurale ou la psychanalyse, Monique Wittig met au jour le fait que l'hétérosexualité n'est ni naturelle, ni un donné : l'hétérosexualité est un régime politique. Il importe donc, pour instaurer la lutte des « classes », de dépasser les catégories « hommes »/ « femmes », catégories normatives et aliénantes. Dans ces conditions, le fait d'être lesbienne, c'est-à-dire hors-la-loi de la structure hétérosexuelle, aussi bien sociale que conceptuelle, est comme une brèche, une fissure permettant enfin de penser ce qui est « toujours déjà là ».
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Brève histoire du néolibéralisme retrace un processus de redistribution des richesses, une «accumulation par dépossession». La financiarisation, l'extension de la concurrence, les privatisations et les politiques fiscales des États redirigent les richesses du bas vers le haut de la hiérarchie sociale. Les néolibéraux se moquent de l'enrichissement collectif. Ils lui préfèrent celui de quelques-uns, dont ils font partie. Plaider en faveur d'un «socialisme libéral» n'a aucun sens. Le néolibéralisme n'est pas une pensée du bien commun. Et pourtant, c'est de cette conception de l'action publique que nous sommes aujourd'hui à la fois héritiers et prisonniers. Le néolibéralisme s'est transformé en institutions. Ces dernières ont produit des dispositifs d'intervention publique, construits sur la durée, qui façonnent des manières d'agir et de penser. À commencer par cette quasi-règle de nos sociétés contemporaines, selon laquelle le marché serait le meilleur outil de satisfaction des besoins humains. Formulée de la sorte, la proposition étonne peut-être. Elle est pourtant le principal pilier de l'édifice. Celui que David Harvey nous invite, en priorité, à abattre.
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« Quoi de commun entre la presse people, les scoops journalistiques dramatisés, les parcs d'attraction, les spectacles de magie, les découvertes scientifiques merveilleuses, les enquêtes paranormales, les highlights sportifs, les magazines de faits divers, les threads horror, les débats radiophoniques surjouant la polémique et les romans vécus ? Toutes ces productions culturelles sont sensationnelles, elles provoquent des sensations fortes et des frissons extrêmes. »
À partir de la seconde moitié du xviiie siècle, les reconfigurations de l'espace public rendent possible une nouvelle façon de représenter la réalité. Non seulement l'étendue inédite de la publicité, mais encore la normalisation des contradictions et des conflits symboliques dans un corps social en voie de démocratisation imposent l'invention d'une forme fluidifiant superficiellement les rapports entre les individus, les groupes, et les réalités collectives. Le sensationnalisme est né.
La notion de « sensationnalisme » nomme un mode inédit de représentation du réel, une catégorie formelle traversant les domaines de la fiction et de la non-fiction, du journalisme et de l'attraction, de la littérature et du spectacle. Elle permet d'appréhender les relations qui, au fil des siècles, se nouent entre sphère du bavardage et publicité, puis entre développement sensationnaliste et culture démocratique. Forme mimétique différente des formes traditionnelles (notamment la fiction et le spectacle), le sensationnalisme s'est logé au coeur de la culture moderne. Au croisement d'usages très variés de la communication, il apparaît d'emblée ambivalent et polymorphe, se manifestant dans une grande diversité de productions.
Yoan Vérilhac présente dans cet ouvrage les causes matérielles et historiques de l'émergence de ce paradigme communicationnel. Multipliant les angles et les approches, il en analyse les différentes pratiques, usages et visées. Il montre enfin qu'observé dans toute sa superficialité bavarde et sa vocation grégaire, le sensationnalisme est une porte d'entrée permettant de proposer un autre rangement des productions culturelles en régime médiatique et de faire sentir autrement la cohérence sociologique et politique de l'histoire de la culture populaire. -
La Constitution au XXIème siècle : Histoire d'un fétiche social
Lauréline Fontaine
- Amsterdam
- 15 Janvier 2025
- 9782354803070
Les constitutions ont bonne presse. Identifiées comme des marques de progrès, elles nourrissent depuis leur apparition les imaginaires politiques des peuples aspirant à la l'émancipation. L'histoire du constitutionnalisme est pourtant bien loin du récit que l'on en fait communément. Concrètement, les textes constitutionnels n'ont jamais eu les vertus qu'on leur prête, si bien que s'il fallait les identifier à un genre, ce serait celui de la fable. Impuissantes à faire advenir les idéaux qu'ils proclament, ces écritures brillent surtout par leur ineffectivité. Incapables de limiter le pouvoir des intérêts constitués, elles ont avant tout servi de paravent au recul de l'état de droit et des libertés, contribuant à l'affirmation d'une rationalité économique indifférente au sort des populations.
Retraçant l'histoire de l'écriture des constitutions et de leurs effets sociaux, Lauréline Fontaine dénonce cet ouvrage le caractère trompeur des discours lénifiants tenus à leur sujet. Elle montre que l'ère de l'homo constitutionalis, entamée au xviiie siècle, est celle de la foi dans une religion qui dessert le plus grand nombre, en maintenant les peuples à distance de l'exercice du pouvoir. -
« L'écosocialisme est fondé sur cette constatation : il n'y a pas de solution à la crise écologique dans le cadre du capitalisme. »
Il n'y a pas de solution à la crise écologique dans le cadre du capitalisme. Ce qui s'y présente comme un progrès est toujours marqué du sceau de la destruction, et contribue à accentuer la rupture entre les sociétés humaines et la nature. Renverser cette dynamique implique une réorganisation d'ensemble des modes de production et de consommation de nos sociétés - autrement dit, une véritable rupture civilisationnelle. Le projet écosocialiste est l'utopie concrète qui porte cette rupture. Adossé à une vision exigeante de la planification démocratique, il entend concilier la satisfaction des véritables besoins des populations et le respect des équilibres de la planète.
Dans cet ouvrage, Michael Löwy propose une vue d'ensemble de la genèse, des enjeux et des manifestations de ce projet. Présentant ce que l'écosocialisme doit tant à la pensée de Karl Marx qu'à celle de Walter Benjamin, il en déplie les implications à la fois politiques et éthiques - au premier rang desquelles se trouve l'existence d'un lien intime entre lutte contre la marchandisation du monde et défense de l'environnement, résistance à la dictature des multinationales et combat pour l'écologie. -
Brouillards toxiques : Vallée de la Meuse, 1930, contre-enquête
Alexis Zimmer
- Amsterdam
- Poche
- 22 Janvier 2025
- 9782354803087
«Chère petite Yvonne. Tu imagines sans peine dans quels sentiments j'ai été ce matin, quand j'ai appris par les journaux qu'un brouillard empoisonné s'étendait sur la Belgique et le nord de la France, qu'il paraissait s'avancer vers Paris... Je songe à notre Pierrot, si exposé aux crises d'asthme... C'est une histoire abominable. J'attends avec impatience de savoir ce que diront les journaux de demain. Ici, il y a aussi un peu de brouillard, et la température est plutôt douce. Que n'êtes-vous tous auprès de moi, loin de cette Europe où traînent encore les miasmes et les gaz de la guerre!»
Du 1er au 5 décembre 1930, un brouillard épais se répand dans la vallée de la Meuse, non loin de Liège. Hommes et bêtes sont profondément affectés lors de sa survenue, et ils sont nombreux à y laisser leur vie. Après sa dissipation, des experts tranchent : «le seul brouillard» est responsable. Pourtant, sur place, nombreux sont ceux à incriminer les émanations des usines de la région, l'une des plus industrialisées d'Europe. Un an plus tard, des experts du parquet rendent d'autres conclusions : la consommation massive du charbon et les composés soufrés des émanations industrielles sont mis en cause.
L'exceptionnalité de l'événement est cependant attribuée à la prédisposition des corps et aux conditions météorologiques particulières de cette première semaine de décembre 1930. Mais comment du «charbon» en vient-il à participer à la production de brouillards et à rejoindre ainsi, jusqu'à tuer, les poumons de ceux qui se sont retrouvés contraints de le respirer? Ces liens «charbon-brouillards toxiques-poumons» n'ont rien d'évident. C'est à tenter de reconstituer les conditions historiques de leurs constructions que s'attache cet ouvrage. En considérant cette catastrophe dans le temps long nécessaire à sa production; en suivant la piste des matières de sa constitution; en étudiant le rôle et les effets des pratiques savantes, Brouillards toxiques permet de comprendre la transformation conjointe, par l'industrialisation, des corps et des environnements et la production de nouveaux phénomènes météorologiques. -
L' Héritage politique de la psychanalyse : Pour une clinique du réel
Florent Gabarron-Garcia
- Amsterdam
- Poche
- 14 Février 2025
- 9782354803100
La focalisation délétère de la psychanalyse contemporaine sur les maux privés des individus n'avait rien d'inéluctable. Cette dernière n'a en effet pas toujours été l'outil de reproduction de l'ordre social qu'elle est devenue. Son héritage revêt une dimension subversive, nourrie de débats passionnants.
Contre une interprétation orthodoxe et superficielle de Lacan qui, faisant l'impasse sur ces controverses majeures, ne produit que du psychanalysme, Florent Gabarron-Garcia défend dans cet ouvrage une « clinique du réel », attentive à la dimension sociale et politique des histoires personnelles. S'appuyant sur une historiographie minutieuse et un matériel clinique foisonnant, il restitue à la pensée et à la pratique psychanalytique toute sa vitalité, à rebours du conformisme ambiant. Le primat oedipien abandonné, c'est avec l'inconscient réel qu'il s'agit désormais de cheminer : un inconscient traversé par les aléas de nos histoires singulières et de la grande Histoire et capable de subversions à l'encontre du règne de la marchandise. -
Polluer, c'est coloniser explique que les chercheurs et les militants sont souvent animés de bonnes intentions mais que leurs méthodes sont inconsciemment tributaires d'une vision du monde coloniale, notamment fondée sur l'idée que le territoire est une ressource. À partir de son travail sur les terres autochtones du Canada, Max Liboiron montre que la pollution plastique est l'expression d'un rapport colonial au territoire et pose les bases d'une science anticoloniale.
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La haine des fonctionnaires
Julie Gervais, Claire Lemercier, Willy Pelletier
- Amsterdam
- 6 Septembre 2024
- 9782354802943
Pourquoi si peu d'insultes envers les actionnaires, les employeurs ou les pollueurs, et autant contre celles et ceux qui servent le public en toute égalité ? Fonctionnaires = feignasses = pas rentables = emmerdeurs = protégés = profiteurs = archaïques = inutiles = à compresser ! D'où vient l'incroyable puissance d'évidence d'une telle équation ? Et qui sert-elle ? Pourquoi certains (hauts) fonctionnaires sont-ils parmi ceux qui la répètent le plus ? Ce livre, à l'écriture vive, fournit des arguments en partant d'idées reçues (non, sous-traiter au privé ne fait pas faire d'économies) et de scènes de la vie quotidienne : l'attente interminable, la dématérialisation incompréhensible, le fonctionnaire « laxiste » ou « borné », etc. Appuyé sur de nombreuses recherches, il leur oppose le dévoilement de réalité vécue par des agents de ménage, ouvriers des voieries, secrétaires de mairies, des psychiatres, des gardiens de prison, et les autres. Pour en faire des outils de lutte pour la défense des services publics. Il s'adresse aux fonctionnaires moqués en manque de réplique, aux militants syndicaux et associatifs qui oeuvrent à les défendre, aux étudiants qui veulent comprendre comment le dénigrement des fonctionnaires sert la détérioration des services publics, aux usagers qui souffrent de leur disparition et, plus largement, à tous celles et ceux qui, fatigués d'être montés contre leurs alliés et leurs semblables, veulent ne plus se tromper de cibles et porter la riposte.
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La réédition de L'État, le pouvoir, le socialisme, « classique » de la théorie politique dont la première édition remonte à 1978, s'inscrit dans les débats concernant les crises simultanées de l'Union européenne, du néolibéralisme et du capitalisme en général. Lire cet ouvrage aujourd'hui permet de comprendre que ces crises plongent leurs racines dans la structure des sociétés occidentales de l'après-guerre. Plus la crise économique s'approfondit, et plus le système devient autoritaire au plan politique. C'est ce que Poulantzas appelle l'« étatisme autoritaire », que l'on constate à présent au niveau européen, où des décisions affectant des millions de personnes sont prises hors de tout contrôle populaire. La seule alternative possible à ce système est le « socialisme démocratique », à savoir un socialisme qui dépasse le capitalisme sans pour autant sacrifier les libertés publiques. Avec Michel Foucault, Gilles Deleuze, et Louis Althusser, auteurs dont il discute les thèses dans cet ouvrage, Nicos Poulantzas compte parmi les penseurs des années 1960-1970 dont le rayonnement international est aujourd'hui le plus important. Alors que l'édition de théories critiques françaises et étrangères a connu une grande vitalité depuis les années 2000, il était plus que temps de faire redécouvrir cet auteur majeur.
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Les Jacobins noirs : Toussaint Louverture et la Révolution de Saint-Domingue
Cyril Lionel Robert James
- Amsterdam
- Poche
- 6 Septembre 2024
- 9782354802950
Au début de la Révolution française, Saint-Domingue est la plus grande colonie du monde et le plus important marché de la traite européenne des esclaves. Au mois d'août 1791, les esclaves entrent en révolte. Pendant douze ans, ils mettent tour à tour en déroute les Blancs de l'île, les soldats de la monarchie française, une invasion espagnole, une expédition britannique de près de soixante mille hommes et un contingent français identique, commandé par le beau-frère de Bonaparte. La défaite des troupes napoléoniennes, en 1803, permet la création de l'État noir d'Haïti.
C. L. R. James raconte, dans un récit haletant, la seule révolte d'esclaves qui ait réussi, la première lutte anticoloniale de l'histoire et les obstacles immenses dont elle a dû triompher. À sa tête, un esclave porté par les idéaux de liberté et d'égalité : Toussaint Louverture. Comment et pourquoi des hommes et des femmes qui, peu de temps auparavant, tremblaient devant les Blancs, se sont-ils organisés en un peuple capable de vaincre les principales puissances européennes de l'époque? Tel est l'objet de ce classique, qui se voulait une contribution au combat contre l'impérialisme et reste riche d'enseignements pour notre époque. -
Pierre Clastres : Les sociétés contre l'État
Claire Pagès
- Amsterdam
- L'emancipation En Question
- 5 Novembre 2024
- 9782354803063
« L'histoire des peuples qui ont une histoire est, dit-on, l'histoire de la lutte des classes. L'histoire des peuples sans histoire, c'est, dira-t-on avec autant de vérité au moins, l'histoire de leur lutte contre l'État. » (Pierre Clastres)
Penser les sociétés dites « primitives » non pas comme des sociétés sans État mais comme des sociétés contre l'État, telle est la révolution copernicienne opérée par Clastres dans le champ de l'anthropologie politique.
Au côté de James C. Scott et de David Graeber, Clastres est une des figures éminentes de ce qu'il est convenu d'appeler « l'anthropologie anarchiste ». Pour cette dernière, il s'agit avant tout de s'intéresser aux sociétés qui ont constitué des mécanismes de résistance à la verticalisation du pouvoir et qui se sont employées à limiter le risque de voir apparaître des institutions autoritaires et des rapports de domination.
Dans nos sociétés à État, à l'heure où les formes du contrôle étatique et de la dépossession politique se renouvellent et s'intensifient, la pensée de Clastres constitue une ressource inestimable pour qui s'interroge sur notre consentement à la domination et sur les moyens de nous rendre ingouvernables. -
La grande transformation du sommeil : comment la révolution industrielle a bouleversé nos nuits
Roger Ekirch
- Amsterdam
- 17 Mai 2024
- 9782354802899
Contrairement à l'opinion courante, le sommeil d'un bloc d'environ huit heures n'a rien de naturel. Cette manière de dormir ne s'est répandue que très récemment, dans le sillage de la révolution industrielle, à la faveur de la généralisation de l'éclairage artificiel dans les villes et de l'imposition d'une nouvelle discipline du travail. Auparavant, le sommeil était habituellement scindé en deux moments, séparés par une période de veille consacrée à diverses activités comme la méditation, les rapports intimes ou encore le soin des bestiaux.
Telle est la thèse révolutionnaire de Roger Ekirch. Son enquête passionnante sur le bouleversement de nos nuits qu'a constitué la disparition, puis l'oubli du sommeil biphasique a doté cet objet d'une historicité qui lui était jusque-là déniée et conduit à l'émergence d'un nouveau champ de recherche, les Sleep Studies. Surtout, cette découverte invite à questionner l'identification de l'insomnie de milieu de nuit à un « trouble du sommeil ». Et à envisager les conséquences d'une transformation qui nous a barré un accès privilégié aux rêves et, par-là, à la conscience de soi. -
Le Corps d'exception : Les artifices du pouvoir colonial et la destruction de la vie
Sidi Mohammed Barkat
- Amsterdam
- Poche
- 16 Août 2024
- 9782354802929
À l'époque coloniale, le corps indigène est soumis à un état d'exception permanent. Ce procédé est au coeur de l'institution de l'indigénat. Sur le plan juridique et politique, le sénatus-consulte rend le droit musulman et les coutumes des colonisés incompatibles avec la moralité républicaine, tandis que sur le plan culturel, le colonisé est représenté comme indigne de la qualité de citoyen - bien qu'il soit membre de la nation française. Inclus en tant qu'exclu, il se trouve assujetti à un régime légal qui établit au coeur de l'État de droit une suspension du principe d'égalité.
Cette exception juridique et politique n'a toutefois pas disparu avec la décolonisation, comme le montre la fréquence des crimes policiers dans les quartiers populaires ou le caractère xénophobe et répressif des lois successives sur l'immigration. Les représentations discriminantes demeurent vivaces dans la société française d'aujourd'hui, et la violence institutionnalisée s'abat depuis des décennies sur les populations issues des anciennes colonies. Le Corps d'exception fait la démonstration implacable de cette continuité. -
RILI : quartiers populaires : défaire le mythe du ghetto
Gilbert Pierre
- Amsterdam
- Rili
- 4 Octobre 2024
- 9782354802974
Au sommet d'une colline s'élèvent d'imposants bâtiments rectilignes, bordés d'un côté par des champs et, de l'autre, par des pavillons. Le paysage des cités charrie tout un imaginaire. Elles sont, depuis plusieurs décennies, le support d'une profusion de fantasmes. Après avoir symbolisé le confort moderne et le progrès social de l'après-guerre, leur image s'est rapidement dégradée. On a d'abord dénoncé les cages à lapin et la sarcellite ; plus récemment, on a fustigé des ghettos, des territoires perdus gangrenés par le séparatisme.
Pour combattre ces fausses évidences, qui renforcent la stigmatisation des minorités racisées et des fractions précaires des classes populaires, Pierre Gilbert rétablit ici la réalité des faits. S'appuyant sur une synthèse inédite des travaux en sciences sociales, il met en évidence les formes de ségrégation subies par ces quartiers, expose leurs particularités sur le plan des styles de vie, des relations sociales, du rapport à l'État, de l'emploi, des normes de genre, des aspirations. Et produit ce constat spectaculaire : les cités sont des lieux banals, et leurs habitants très semblables au reste des classes populaires. -
« Dans la mesure où le désir est impliqué dans les normes sociales, il est lié à la question du pouvoir et à celle de savoir qui peut être reconnu comme humain. » « Faire » son genre implique parfois de défaire les normes dominantes de l'existence sociale. La politique de la subversion qu'esquisse Judith Butler ouvre moins la perspective d'une abolition du genre que celle d'un monde dans lequel le genre serait « défait », dans lequel les normes du genre joueraient tout autrement.
Ce livre s'inscrit dans une démarche indissociablement théorique et pratique : il s'agit, en s'appuyant sur les théories féministe et queer, de faire la genèse de la production du genre et de travailler à défaire l'emprise des formes de normalisation qui rendent certaines vies invivables, ou difficilement vivables, en les excluant du domaine du possible et du pensable. Par cette critique des normes qui gouvernent le genre avec plus ou moins de succès, il s'agit de dégager les conditions de la perpétuation ou de la production de formes de vie plus vivables, plus désirables et moins soumises à la violence.
Judith Butler s'attache notamment à mettre en évidence les contradictions auxquelles sont confrontés ceux et celles qui s'efforcent de penser et transformer le genre. Sans prétendre toujours dépasser ces contradictions, elle suggère la possibilité de les traiter politiquement : « La critique des normes de genre doit se situer dans le contexte des vies telles qu'elles sont vécues et doit être guidée par la question de savoir ce qui permet de maximiser les chances d'une vie vivable et de minimiser la possibilité d'une vie insupportable ou même d'une mort sociale ou littérale. » -
Défaire voir se compose de trois parties :
- Une introduction, qui déplie le problème de la littérature politique en toute généralité.
- Un dispositif littéraire, intitulé « Manger les riches, une décomposition », qui prend pour départ le scandale des Ehpad Orpéa, et en dégage le régime de pulsionnalité du capitalisme financiarisé.
- « Se faire Voyant », une théorie de la littérature comme productrice de figures. Terme par lequel on désigne les textes qui produisent dans leur forme même une aperception nouvelle des logiques politiques et sociales.
Il s'agit de mettre en oeuvre et de théoriser une littérature politique qui tienne ensemble les deux termes « littérature » et « politique », sans sacrifier l'un à l'autre. Où dispositif d'écriture et précision analytique soient indissociables. En somme, une façon de rappeler que la littérature est un régime spécifique de la pensée. -
L'écologie-monde du capitalisme : comprendre et combattre la crise environnementale
Jason W. Moore
- Amsterdam
- 10 Mai 2024
- 9782354802844
Pourquoi la notion d'Anthropocène ne suffit pas pour comprendre la crise planétaire
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Exploiter les vivants : une écologie politique du travail
Paul Guillibert
- Amsterdam
- 18 Août 2023
- 9782354802721
Selon une ritournelle de la politique contemporaine, « l'écologie commence à la maison ». Du style de vie à la consommation raisonnée, nous serions, en tant qu'individus, les sujets de la transition environnementale.
Voilà comment, d'un même geste, on instaure une gouvernementalité écopolitique et l'on masque les rapports de pouvoir qui structurent le désastre environnemental. Les pauvres, récalcitrants à la transition, sont traités en barbares à civiliser ou en climato-négationnistes à combattre. A contrario, le pouvoir matériel de changer de vie et l'adhésion symbolique à l'écopolitique du capital dessinent une écologie réservée à de riches « terrestres », citadins éduqués qui continuent à profiter de la socialisation des grandes infrastructures polluantes. Le scénario de la rupture populaire avec l'écologie et le récit d'une écologie réservée aux riches se renforcent mutuellement. Ce livre affirme à l'inverse que le travail, systématiquement absent des pensées écologistes, se trouve au coeur du désastre. Replacer la production capitaliste et l'exploitation du travail au coeur de la crise, c'est rendre possibles de nouvelles alliances entre travailleurs et écologistes, entre humains et autres qu'humains -
Du libéralisme aux algorithmes, en passant par le burnout, les transclasses et la trottinette, François Bégaudeau livre, à travers les maîtres mots de l'époque, une analyse implacable de l'idéologie bourgeoise. « Plus c'est plus gros, plus ça passe, dit-on, et cela ne vaut pas pour mes bonimenteurs. Comme l'ordre syllabique l'indique, le bonimenteur n'est qu'à moitié menteur. Un boniment, pour prendre, doit être un peu vrai. Il est un peu vrai que cet écran plat est plat, et plus léger - le portant je le vérifie -, et plus confortable pour les yeux - rivé à lui je suis confort. La langue du capitalisme intégré est toujours un peu vraie. Il est un peu vrai que nous autres sujets des régimes capitalistes paradigmatiques sommes libres de nos mouvements. Il est un peu vrai qu'un télétravailleur peut disposer de ses horaires. Il n'est pas archi-faux que nos élections sont démocratiques. Les marchands ne mentent pas complètement en disant qu'ils créent de la valeur ou créent de la richesse. Ils devraient juste préciser que cette richesse leur revient. La langue du capitalisme ne doit pas être démasquée, elle doit être passée au crible implacable de la précision. »
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Pourquoi la classe compte : Capitalisme, genre et conscience de classe
Erik Olin Wright
- Amsterdam
- 19 Janvier 2024
- 9782354802813
Dans cet ouvrage, Erik Olin Wright propose une évaluation minutieuse de la pertinence et des limites de la catégorie de classe pour expliquer le fonctionnement des sociétés. Cette défense de la portée heuristique de l'analyse de classe centrée sur l'exploitation est fondée sur l'étude empirique de la structure sociale de plusieurs pays occidentaux, en particulier les États-Unis, le Canada, la France, la Norvège et la Suède. Elle passe par l'exploration de trois problèmes interconnectés : les caractéristiques et les variations de la structure de classe elle-même ; la relation entre classe et genre en tant qu'aspects de la structure sociale ; le lien entre structure de classe et conscience de classe, c'est-à-dire la compréhension que les individus ont de leurs intérêts de classe.
Loin des affirmations grandioses du matérialisme historique orthodoxe (par exemple de l'idée selon laquelle la dynamique du capitalisme pointerait dans la direction d'un avenir socialiste), Wright s'attache à mettre au jour la manière dont la classe influe sur de nombreux aspects de la vie sociale, des réseaux de sociabilité à la mobilité sociale en passant par le travail domestique.
Soulignant les dimensions spécifiques des différentes sociétés capitalistes étudiées, il montre que si la classe n'est pas partout et toujours le facteur explicatif le plus important, elle constitue néanmoins, par-delà sa dimension normative, un facteur structurant de la vie sociale. -
Marx écologiste ? L'opinion courante est que Marx et le marxisme se situent du côté d'une modernité prométhéenne, anthropocentrée, qui ne considère la nature que pour mieux la dominer et l'exploiter, selon une logique productiviste qui fut celle tant du capitalisme que du socialisme historiques. L'écologie, comme discipline scientifique et comme politique, aurait ainsi à se construire en rupture avec l'héritage marxiste ou, du moins, au mieux, en amendant considérablement celui-ci pour qu'il soit possible de lui adjoindre des préoccupations qui lui étaient fondamentalement étrangères. Qu'en est-il vraiment ? Dans Marx écologiste, John Bellamy Foster, textes à l'appui, montre que ces représentations constituent sinon une falsification, du moins une radicale distorsion de la réalité : des textes de jeunesse aux écrits de la maturité, inspirés par les travaux de Charles Darwin et de Justus von Liebig, le grand chimiste allemand, fondateur de l'agriculture industrielle, Marx n'a jamais cessé de penser ensemble l'histoire naturelle et l'histoire humaine. S'il faut aujourd'hui tirer de l'oubli la tradition marxiste et socialiste de l'écologie politique, c'est que la perspective marxienne en la matière a une actualité brûlante : une des questions les plus urgentes de l'heure n'est-elle pas de savoir si la crise écologique est soluble dans le capitalisme ?